Les assistants sexuels : prostitution ou acte paramédical ?

Fin 2010 s’est tenu à Paris le 1er colloque abordant la question du « handicap et sexualité ».

Début 2011, est créée en France,  l’association CH(S)OSE à l’initiative du Collectif Handicaps et Sexualité, affichant clairement son objectif : « militer en faveur d’un accès effectif à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap, notamment à travers la création de services d’accompagnement sexuel. »

En 2012, le rapporteur de la loi du 11 février 2005 sur le handicap, Jean François CHOSSY, continue de se battre pour un projet de loi qui légaliserait les interventions des assistants sexuels en France.

Ces temps forts ont et continuent de rythmer le combat actif que mènent depuis quelques années maintenant et de façon ouverte, entre autres, institutionnels et  associations d’aides aux handicapés pour la reconnaissance d’une vie sexuelle active à tous les handicapés qui le souhaitent.

La sexualité des handicapés n’est plus un réel tabou en France, même si malheureusement, la vie sexuelle de certains d’entre eux peut encore ressembler au roman que Régine DESFORGES  publie en ce début 2012 : « Toutes les femmes s’appellent Marie », dans lequel la mère d’un jeune handicapé finira par répondre à ses besoins sexuels jusqu’à en être enceinte.(2)

En France en 2012, l’assistance sexuelle, c’est-à-dire : fournir un service de temps de tendresse, sensualité ou sexualité contre paiement aux personnes handicapées,  est assimilée à  de la prostitution. La loi de 2005 régissant les accompagnements des handicapés dans leurs projets de vie a « omis » le domaine de la sexualité : pourquoi ???

En France aussi, en septembre 2011, des personnalités, historiens, hommes de lettres ou philosophes, ainsi que des militantes féministes se sont fermement  opposés à la création d’un métier d’assistant sexuel pour les personnes handicapées, par crainte de voir se créer là un autre asservissement du corps des femmes. Mais comment rester insensible aux arguments invoqués par divers groupes de réflexions, dont les associations féministes sont les fers de lance : comment autoriser n’importe quelle forme de marchandisation du corps humain ? N’approche t on pas réellement d’un risque de banalisation d’une forme de prostitution ?

Pourtant ailleurs, et dès les années 1980, aux Etats-Unis, dans le Nord de l’Europe, et en Israël, à présent aussi en Europe du Sud,  des personnes ont été et sont formées, afin de fournir une assistance sexuelle aux handicapés. L’accompagnement sexuel est là, assuré par des hommes et des femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, pratiquant la prostitution ou exerçant dans les milieux paramédicaux, sociaux et médico-sociaux, suivant les contextes de chaque pays. Leur activité, prestation, peut aller du simple corps à corps à la pénétration, en passant par la masturbation. L’assistance sexuelle encadrée à laquelle ces personnes sont formées par des professionnels de la relation, de la psychologie et du handicap ainsi que des sexologues,  consiste à prodiguer, dans le respect, une attention sensuelle, érotique et/ou sexuelle à une personne en situation de handicap ou à permettre – à leur demande – l’acte sexuel à deux personnes qui ne peuvent l’accomplir sans aide.

Pour CH(S)OSE, un service d’accompagnement sexuel  doit être « un service d’information, de mise en relation et d’aide à la formulation de la demande de la personne en situation de handicap avec l’assistant sexuel ».

Si le droit à une vie sexuelle ne peut se discuter pour les personnes handicapées, la création de contextes sécures tant sur le plan sexuel que sur le plan relationnel, pour leur permettre de la vivre dans ou hors les institutions, est encore loin de la réalité française. Les discussions sont vives encore entre les associations d’handicapés et les pouvoirs publics pour déterminer dans l’intérêt des personnes à qui l’on s’adresse, un service qui réponde à leur réelle demande. Les questions se posent encore sur l’éventail possible des interventions des « aidants sexuels » : du besoin de voir un corps d’un autre sexe dénudé (ce qui ne s’est jamais produit pour certain(e)s d’entre eux), au besoin de contact corporel, de toucher sensuel, de caresses globales à toutes les formes d’éveils de la sensualité jusqu’à la masturbation, et/ou l’apprentissage par la personne concernée (quand c’est possible) de la masturbation.  Un relatif consensus semble se dessiner aujourd’hui pour des interventions possibles dans ces limites. Toute forme de pénétration serait exclue du champ de ces services.  Et cette limite là pourrait marquer une limite claire avec le champ de la prostitution, une limite physique repérable et sans ambiguïté.

Jusqu’où est elle réaliste dans le moment vécu par la personne qui bénéficie de ce temps d’intimité ? Et puis la question se pose du possible attachement entre les protagonistes : devrait on changer d’assistant(e) pour ne pas générer d’attachement, voire de dépendance, ou bien ne pas en changer pour garantir une plus grande sécurité dans le service convenu ?

Et contenant toutes les autres questions celle du questionnement éthique : qu’en est il de l’ingérence de tous ces tiers , depuis les décideurs jusqu’aux entourages médicaux, para médicaux, et parentaux, dans l’intime de l’intime de la personne handicapée : qui pour décider de la réponse à leur désir ? Qui pour les aider à la conscience, à la formulation, à « l’éducation » de ce désir ?

Références

(1)Communiqué de Presse de l’association CH(S)OSE : http://www.sehp.ch/PDF/CH_S_OSECommunique_de_presse.pdf

(2)Régine DESFORGES – toutes les femmes s’appellent Marie – Ed Hugo & Cie – Janvier 2012

Le site Faire-Face pour toutes les questions liées au quotidien du handicap

Article paru dans Sexualités Humaines n°12 janvier/février mars 2012

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